Malgré son mode solo boiteux et l’horreur crasse de la grande guerre qu’il dépeint, Battlefield 1 délivre amour, joie et allégresse à travers son mode multi. Une étrange et délicieuse contradiction.
Guerre bafouée, mais magnifiée.
Difficile de parler de Battlefield 1 sans aborder le scandale qui entoure le jeu. À savoir l’absence de l’armée Française et Russe qui arriveront un peu plus tard dans le jeu via un DLC bien évidemment payant. En somme, une bien belle manière de rendre hommage à deux nations qui ont essuyé un nombre incalculable de pertes dans ce qui reste le conflit le plus meurtrier qu’ait connu l’humanité. Et même si le studio DICE a élu domicile quelque part au nord de l’Europe, on sent bien toute l’influence du patriotisme « gerbant » américain dans le traitement de ce conflit. Ce qui est foutrement dommage car hormis quelques rares exceptions, la Première Guerre Mondiale n’est jamais traitée dans le jeu vidéo. Surtout que si l’on met de côté cette scandaleuse absence Franco-russe ainsi que le comportement surealiste des certains véhicules et armes pour le bon fonctionnement du gameplay (ce qui est tout à fait excusable et normal), l’horreur de celle qu’on appelle la der des ders n’aura jamais semblé autant réaliste. De quoi vous en faire froid dans le dos.
Depuis le temps qu’ils le triturent dans tous les sens, on peut dire que les petits gars chez DICE maîtrisent le Frostbite Engine à la perfection. Leur petit moteur maison confectionné avec amour pour le plus grand bonheur des studios affiliés à EA. Et cette maîtrise, on la ressent dans chaque recoin de l’écran. Le jeu est d’une beauté folle et reconsistue la crasse des combats rapprochés, l’ardeur des joutes aériennes et la claustrophobie des tranchés d’une manière si réaliste qu’il en foutrait presque des frissons aux joueurs un peu trop sensibles. Et ce aussi bien dans le mode solo que dans les nombreuses cartes multi qui sont parfois balayées par quelques intempéries météorologiques. Il y a même une scène assez dingue où on prend le contrôle d’un pigeon voyageur qui doit livrer un message à une unité de soutien. Depuis le ciel, on peut voir des dizaines et des dizaines de soldats s’écharper dans la boue et à tenter d’échapper aux attaques de mortiers qui font pleuvoir du gravier sous un nuage de poussière tout ce qu’il y a de plus anxiogène. Et comme le veut la grande tradition des Battlefield, l’ambiance sonore n’est pas en reste. Entre les quelques envolées classiques qui viennent bercer les combats, les cris des bidasses qui partent au casse-pipe et le son du gravier qui vient s’écraser sur le sol, on frémit à chaque coup de feu qui détonne. De quoi faire péter le home cinéma pour emmerder ses voisins ou s’exploser les oreilles avec le casque qui va bien. En clair, s’il y aura toujours de quoi à redire sur le traitement de la guerre, DICE nous a pondu un petit bijou qu’on déguste aussi bien avec les yeux qu’avec les oreilles.
Un solo aussi plaisant que décevant
Contrairement à Battlefront et de la même manière que les précédents épisodes de la série depuis Bad Company, Battlefield 1 nous propose un mode solo. Une petite escapade qui a commencé à être teasé depuis le dernier E3, et qui a fait couler des hectolitres de bave depuis à l’aide de quelques bandes-annonces magistralement mises en scène. En même temps, n’importe quelle vidéo un minimum bien foutu n’aurait eu aucun mal à faire mieux que les derniers solos en date qui n’étaient, au final, que de vulgaires copies complètement ratées de ce que pouvait offrir Call of Duty. Mais pour Battlefield 1, DICE a eu la brillante idée de ne pas se concentrer sur une seule et même histoire, mais de proposer cinq chroniques de guerre allant des tranchés du nord de la Fance jusqu’à Suez en passant par les Alpes italiennes. Des récits de guerre habillés de très jolies cinématiques qui tendent à nous faire penser que DICE a décidé d’enfin prendre au sérieux le mode solo. Je dis tendre car la réalité est malheureusement tout autre. Le mode n’est qu’un simple tutoriel déguisé pour nous mettre en condition avant le plat de résistance qu’est le mode multi. Et le pire, c’est que c’est fait de façon assez grossière.
La première chronique de guerre se concentre sur le maniment des chars dans les bourbiers du nord de la France, la deuxième sur l’utilisation des biplans et la troisième sur l’évolution des mitrailleurs sur le champ de bataille. II faut attendre les deux dernières chroniques pour avoir quelque chose d’un peu plus funky avec un franc-tireur australien qui mène l’assaut d’un château Fort en bord de mer ou encore avec l’une des comparses de Lawrence D’Arabie qui repousse l’envahisseur du désert du Sinaï. Si à chaque fois on a bien un pitch de posé en plus d’une conclusion assez âpre sur les méfaits de la guerre, on ne sent jamais de liant ou une réelle volonté de raconter une histoire. On nous présente juste un contexte dans un lieu donné qui sert uniquement de prétexte à l’apprentissage d’une nouvelle mécanique de gameplay. Dans le fond, il n’y a strictement rien de mal à ça, bien au contraire même, mais c’est fait de façon si haché et si visible que l’expérience globale en prend forcément un coup. De plus, le mode s’expédie en deux temps trois mouvements et il faut bien compter moins de cinq heures pour en venir à bout. Enfin, d’un point de vue purement mécanique, le jeu nous fait passer de zones scriptées jusqu’au trognon à de vastes zones ouvertes où l’on nous donne des objectifs pas spécialement palpitants dans ce qui se révèle être des cartes du multi recyclées pour le solo. Côté ambitions, on repassera. Mais bon, il y a tout de même quelques passages bien trippants comme la bataille en biplan, l’introduction à vous filer des frissons ou encore cette mission en pleine campagne où on doit dégoter des pièces pour réparer son char dans un village aux mains de l’ennemi. Une mission qu’on peut se faire en mode infiltration ou en fonçant tête baissée dans le tas, mais qui révèle, dans les deux cas, quelques soucis d’IA. Ce qui n’est pas fondamentalement un problème puisque Battlefield 1 se concentre principalement sur le multijoueur. Là où on affronte que des humains. Vous savez, ces êtres faits de chair et de sang.
Le multi, c’est la vie
Depuis la naissance de la licence, à une époque où je ne foutais pas les pieds sur PC, ce qui n’a pas vraiment changé aujourd’hui, l’essence même de Battlefield a toujours été le multi et rien d’autre. Et hormis les deux excellentes campagnes solos de la série Bad Company, ça n’a jamais vraiment changé. Alors ce n’est pas vraiment une surprise de voir un solo de nouveau décevant, même si de gros efforts ont tout de même été faits. L’essentiel du travail de DICE a été concentré sur le multi et ça se ressent dès les toutes premières minutes de jeu. OUI, le multi de Battlefield 1 est juste énorme, démentiel et hautement addictif. Et pour un mec qui passe autant peu de temps sur les modes multi, là, tout de suite, je ne pense qu’à une chose, retourner me faire chiffonner sur les fronts de la première guerre mondiale. Car oui, je suis une grosse merde, mais ça ne m’empêche pas de prendre mon pied. Je n’ai pas énormément de souvenirs de comment était construit le multi de Battlefield 4, mais ici, ils ont remis à plat le système de classe et on réintroduit le Medic. On se retrouve donc avec les classes Assaut, Médecin, Soutient et Eclaireur. Chacun ayant sa propre fonction et surtout sa propre ligne de combat. La classe Assaut va attaquer de front, dans le cambouis, limite au corps-à-corps tandis que le soutien va se poster plus loin pour arroser à l’arme lourde. Entre les deux, le Médecin va s’occuper des blessés tout en dézinguant tout ce qui bouge. Enfin, plus loin, tapi dans l’ombre, l’éclaireur va nettoyer la zone avec son sniper. Tout ça sur des cartes gigantesques qui peuvent rapidement créer la confusion quand on y déboule pour la première fois. Mes premières parties se résumaient à tourner dans tous les sens et à tenter de shooter le premier qui passe. Le truc qu’il ne faut absolument pas faire. Car si on prend la peine de jouer avec son escouade, de bien communiquer et de bien respecter le rôle et le positionnement de sa classe, on décuple le plaisir de jeu par mille en plus de devenir beaucoup plus efficace. Le multi de Battlefield 1 propose une profondeur de jeu assez folle et chaque partie est une nouvelle occasion d’apprendre des choses et d’améliorer son skill. À partir de là, difficile d’en décrocher.
Mais la puissance du multi de Battlefield 1 ne repose pas uniquement sur son gameplay et la profondeur de jeu qu’il apporte. Si on s’amuse autant, c’est aussi grâce à ses terrains de jeu confectionnés avec une incroyable minutie et maitrise. Rien n’est à jeter. Peu importe où le jeu nous balance, on sait d’avance qu’on va pester, rager et s’amuser. On sent toute l’expérience qu’a accumulée DICE au fil des années et que l’on soit sur la map du Désert du Sinaï, le centre-ville d’Amiens ou la fantastique forêt d’Argonne, le level-design est d’une implacable efficacité. Et ça fonctionne dans tous les sens, dans toutes les configurations possibles et avec tous les véhicules disponibles. Car oui, si les bidasses restent le nerf de la guerre de Battlefield 1, le jeu propose une multitude d’engins à piloter allant du char d’assaut au biplan en passant même par un cheval. Un moyen de locomotion particulièrement efficace pour se débarrasser d’un sniper planqué au milieu du désert en arrivant sournoisement par derrière pour le pourfendre d’un coup de sabre. En fait, le jeu est tellement bien équilibré que lorsqu’une équipe mange la pâtée, elle bénéficie d’un Béhémoth pour tenter de renverser la vapeur. Un bonus qui prend la forme d’un Zeppelin qui vient bombarder les positions ennemies ou encore d’un train qui vient tout défourailler avec ses nombreux canons. Enfin, concernant les modes de jeu, on retrouve tous les classiques comme les matchs à mort, la défense de zone ou encore la traditionnelle capture de drapeau. Côté nouveautés, on peut trouver un mode qui nous demande de mettre la main sur un pigeon voyageur qui permet, par la suite, de pilonner les positions ennemies à coups de mortier, mais aussi, et surtout, le mode Opérations. Des combats à grande échelle à moitié scénarisés où 64 joueurs peuvent se mettre sur la gueule en attaque / défense sur une succession de cartes. Le genre de mode qu’on ne peut plus quitter après avoir mis le nez dedans.
Au final, même si le solo de Battlefield 1 m’a royalement déçu, du moins par rapport à ce que j’en attendais, j’aurais énormément de mal à ne pas vous recommander le jeu. Car en plus d’être beau à en pleurer, le mode multijoueurs est d’une efficacité redoutable et l’investissement a largement de quoi être rentabilisé face aux dizaines ou centaines d’heures de jeu qui vous attendent. Alors si vous n’êtes pas trop branché Call of et que les sirènes d’Overwatch n’ont fait que vous effleurer, vous pouvez y aller les yeux fermés.