À l’image de son prédécesseur, The Last of Us Part II arrive en fin de vie d’une console de Sony pour clore, avec Ghost of Tsushima, le grand bal des exclusivités. Un peu comme une délicieuse cerise qu’on viendrait poser sur une immense montagne de chantilly. Pour autant, les nouvelles aventures de Joël et Ellie n’ont pas la douceur d’un fruit confit tant elles sont brutales, oppressantes, cruelles et incontestablement bouleversantes. Et sans être exempt de tout défaut, le jeu de Naughty Dog est avant toute chose une immense claque en plein visage.
Jeu testé sur PS4 Pro à partir d’une version fournie par l’éditeur
The Last of Us : deuxième partie
The Last of Us Part II, ou TLOU2 pour les intimes, se déroule quatre petites années après les événements dépeints dans la première partie. Pour ceux qui auraient loupé le train ou tout oublié depuis, Joël et Ellie ont passé des mois à traverser la moitié du pays pour retrouver les Lucioles, un groupe de militants qui nourrissaient l’espoir de sauver l’humanité des ravages du virus. Malheureusement, la conception d’un vaccin demandait le sacrifice d’Ellie afin qu’ils puissent étudier et comprendre son immunité. Ce que n’a pas accepté Joël qui ne pouvait se résoudre à voir mourir celle qu’il considérait maintenant comme sa fille. Le jeu se terminait donc ainsi, un massacre, une fuite et le mensonge de Joël à Ellie pour qu’elle puisse enfin passer à autre chose et commencer une toute nouvelle vie. Et c’est justement à travers ce mensonge que s’articulent tous les événements de The Last of Us Part II. Quatre ans se sont écoulé et Joël et Ellie vivent une vie tout ce qu’il y a de plus paisible à Jacksonville, une petite communauté en auto gestion où tout le monde prend soin l’un de l’autre. Mais entre les fantômes du passé, les ressentiments et la crise d’adolescence qui pointe le bout de son nez, Ellie n’adresse presque plus la parole à Joël qui endosse plus que jamais la casquette du père un peu trop protecteur et surtout fatigué par le temps qui passe. Un train-train quotidien qui va très rapidement être bouleversé par l’arrivée d’une poignée d’étrangers avec de fort ressentiments. Mais nous n’en diront pas plus tant l’intérêt principal du jeu de Naughty Dog repose sur la galerie de ses personnages et l’évolution du récit qui ne manque jamais une occasion de surprendre. En bien, comme en mal.
Timide, mais efficace
S’il surprend à bien des égards, TLOU 2 joue la carte de la timidité avec son gameplay. On part ainsi sur les mêmes bases qu’il y a sept ans, mais avec pas mal d’améliorations ici et là. Par exemple, les phases d’infiltration fonctionnement bien mieux même s’il y a de quoi pester sur une IA paresseuse qui se cale sur des rails et avec des réactions parfois étranges. Pour autant, c’est un véritable petit plaisir de se faufiler dans les hautes herbes, se cacher derrière l’épave d’une voiture ou passer d’une pièce à une autre par un trou dans le mur pour se débarrasser d’un clicker ou d’un membre des Wolf ou des scars, les deux factions qu’on est amené à croiser durant le jeu. D’ailleurs, cette suite nous met davantage face à des ennemis humains plutôt que des infectés, même si on a droit à des passages particulièrement anxiogènes à vous en bouffer les terminaisons nerveuses. Côté action, The Last of us Part II fait un véritable bond en avant avec des affrontements nerveux, dynamiques et même jubilatoires aussi bien à distance qu’au corps à corps. Quelques vidéos tournent d’ailleurs sur internet où l’on peut voir des joueurs faire des enchaînements dignes d’un film de John Woo avec un jet de cocktail Molotov suivi d’une grosse salve de coups de fusil à pompe pour finir sur une machette qui atterrit sur le haut du crâne d’un ennemi. Une gymnastique qui n’est malheureusement pas donnée à tout le monde à cause d’une sélection des armes loin d’être optimale. Rien de gênant, mais de quoi s’emmêler les pinceaux dans le feu de l’action et quand les munitions viennent à manquer.
Là où la formule fonctionne remarquablement bien, c’est dans sa capacité à passer de l’action à l’infiltration de façon fluide et parfaitement naturelle. On peut varier les plaisirs à tout moment sans jamais se sentir obligé de privilégier une solution par rapport à une autre. Du côté des nouveautés, en plus de pouvoir sauter ou se balancer à une corde, on note surtout l’apparition des chiens. Et si ce n’est pas spécialement plaisant de devoir les tuer lorsqu’ils nous attaquent, et que ce n’est pas possible de faire autrement, ils sont surtout capables de nous suivre à la trace. De quoi ajouter au jeu de l’urgence supplémentaire puisqu’il n’est plus question de rester sagement caché derrière un comptoir et il faut être le plus mobile possible en jouant de son environnement pour pouvoir passer inaperçu. Et c’est dans ce genre de situation, à sauter d’un muret à un autre sans se faire remarquer, qu’on se rend compte de la qualité du level-design du jeu.
Un univers organique
C’est un peu devenu une marque de fabrique chez Naughty Dog au fil des années et The Last of Us Part II ne déroge pas à la règle avec un level-design parfaitement ciselé. Toujours aussi linéaire dans sa construction, le jeu se veut moins étriqué et propose de grandes zones ouvertes à ne surtout pas confondre avec une tentative d’open world comme on peut l’écouter dans la bouche de certains. On en est loin, mais il y a de quoi parfois se perdre dans les décombres à fouiller la moindre pièce pour récupérer de l’alcool, un bout de tissu ou encore des notes qui font suspendre de lourdes, belles et anecdotiques histoires du passé. Et ce qui est intéressant, c’est qu’hormis avoir besoin de faire le plein de munitions ou de matériaux pour fabriquer des kits de soins ou encore des flèches, le jeu ne nous oblige jamais à visiter ces endroits. C’est à l’initiative du joueur.
D’une certaine manière, TLOU 2 prend de faux airs de simulateur d’Urbex glauque et passionnant à la fois. Et dans toute cette flore, où la nature a plus que repris ses droits, le génie de Naughty Dog est de donner l’impression de pouvoir aller partout, mais de toujours se diriger là où il faut. Qu’on soit dans les bois, au milieu d’un parc ou dans des ruines, on trouve toujours son chemin sans jamais se sentir perdu. Tout ça grâce à de petits indices visuels, un rayon de soleil, le bruit d’un cours d’eau ou encore le vol d’un oiseau qui fait bouger des branches. Enfin, le level design du jeu de Naughty Dog s’exprime aussi bien à l’horizontale qu’à la verticale. Nombreux sont les endroits où la menace peut arriver des tous les côtés avec des infectés qui tombent littéralement sur vous ou alors des ennemis qui passent d’un étage à l’autre. Le jeu prend un malin plaisir à jouer avec nos nerfs et nous mettre sans cesse dans des situations horriblement délicates et inconfortables. Comme l’exploration des sous-sols d’un hôpital ou encore la descente asphyxiante d’un immeuble condamné où le moindre petit bruit donne l’impression d’avoir le cœur qui explose dans sa cage thoracique. Âme sensible, s’abstenir.
Beau à en pleurer
Il suffit d’un simple coup d’œil pour se rendre à l’évidence : The Last of Us Part II est un jeu beau à en pleurer, mais est moins percutant et impressionnant que n’avait été la première partie en 2013. C’est sans doute du aux promesses un peu trop ambitieuses du studio lors de la première présentation du jeu et à un certain Uncharted 4 qui n’as pas pris la moindre ride et qui boxe clairement dans la même catégorie. Aussi, quitte a rester sur les « mauvaises » facettes avant de passer à la suite, le jeu manque de stabilité et accuse quelques chutes de framerate, notamment lorsqu’on joue un peu trop avec la camera. Mais passons, s’il y a de quoi faire une légère moue, le jeu n’en reste pas moins un petit bonheur pour les yeux. Chaque nouvel environnement est une invitation à poser la manette pour contempler le travail des artistes et techniciens du studio. Que ce soit la gestion de la lumière, la chaleur des couleurs, le détail des textures ou encore la modélisation du moindre petit objet visible à l’écran, le travail effectué est bluffant de bout en bout. Bien évidemment, il y a quelques ratés, comme des modèles de PNJ qui se répètent un peu trop ou encore des textures baveuses ici ou là, mais tout est balayé d’un revers de la main par la souplesse des animations, l’écran qui fourmille de détails ou encore la végétation qui frise le photoréalisme. Si The Last of Us Part II est impressionnant en jeu, il est tout simplement ahurissant lors des cinématiques avec des acteurs qui jouent à la perfection et un jeu de regards que seul le studio de Californie semble maîtriser avec autant de justesse. Du côté de la bande-son, on retrouve une fois de plus Gustavo Santaolalla à la guitare qui nous transporte en seulement quelques notes et qui semble avoir un véritable don pour exprimer les sentiments des personnages à travers ses compositions.
La vengeance dans la peau
Ce sera au goût et au sentiment de chacun, mais The Last of Us Part II est un jeu sans doute trop long. Il vous faudra entre 20 et 25 heures pour en venir à bout et même plus de 30 heures si vous êtes du genre à fouiller tous les recoins. En comparaison, le premier épisode s’étalait sur une grosse quinzaine d’heures et c’est typiquement le compromis idéal pour ce genre de jeu. Car avec une durée de vie aussi longue, le rythme du jeu en pâti forcément avec des longueurs, des redondances et un sentiment assez déplaisant comme quoi l’aventure ne se terminera jamais. Là encore, ça sera selon la sensibilité de chacun, mais il faut savoir que si le jeu est aussi long, c’est parce qu’il a quelque chose de bien particulier à raconter, et il le fait sacrément bien. On aurait aimé vous exposer ici tous les tenants et aboutissants, mais ça nous obligerait à vous spoiler des pans entiers du scénario et ainsi vous gâcher l’effet de surprise. Car en plus d’être plutôt bien écrit, TLOU 2 est un jeu qui aime surprendre le joueur. Une audace qui n’est pas synonyme d’originalité pour autant. Car ce que fait le jeu de Naughty Dog, d’autres l’ont fait bien avant lui, mais nombreux seront les joueurs à se sentir aussi bien surpris que trompé. Un sentiment qui est finalement exacerbé par toute la violence du jeu qui s’articule autour du thème de la vengeance et de ce que l’homme peut être capable de faire. Une violence qui peut paraitre gratuite de prime abord, mais qui est parfaitement contextualisée une fois qu’on arrive au bout de l’aventure. Et ce que le jeu réussit sans doute le mieux, c’est de faire voler en éclat le principe même de manichéisme. Pas de méchant, pas de gentils, juste des hommes et des femmes qui tentent de survivre dans un monde tout ce qu’il y a de plus froid et cruel.